Octobre 2014 : « C’est Madame la présidente, ou il y a un rappel à l’ordre avec inscription au procès verbal », rétorque la vice-présidente socialiste à l’Assemblée nationale, Sandrine Mazetier, au « Madame le président » du député LR Julien Aubert. Un entêtement qui lui vaut une sanction financière de 1.378 euros et de rouvrir le débat sur la féminisation des noms et des fonctions.
Alors, voici quelques conseils pour aider Julien Aubert à féminiser son vocabulaire.
- Revenir au Moyen-Âge
Détrompez-vous, la féminisation des noms de profession n’est pas une invention du XXe siècle et encore moins des féministes.
Pour l’historienne et agrégée de lettres, Eliane Viennot, « les noms de métier déclinés au féminin existent depuis le Moyen-Âge. Il n’y a donc nullement besoin de les féminiser mais plutôt de les démasculiniser.» Entre le XIIe et le XVIe siècles, les femmes pouvaient être « auteuresses », « administretesses » ou encore « moinesses ». Cela choque votre oreille ? Il s’agit pourtant de leur véritable orthographe.
Mais pourquoi sont-ils absents de nos dictionnaires aujourd’hui ? « La faute aux académiciens, répond Eliane Viennot, ils ont imposé leur domination masculine sur notre langue française et ont effacé toute présence féminine depuis le XVIIe siècle ».
Pour Florence Monier, professeur de français et rédactrice au service du dictionnaire de l’Académie française, « accuser de machisme notre institution est idiot. Pour preuve, je suis une femme et ça me gêne que l’on appelle ‘Madame la professeure’ ». Tout comme l’actuelle secrétaire perpétuel de l’Académie, Hélène Carrère d’Encausse qui refuse sa déclinaison féminine. La raison des Immortels : la fonction est au-delà de toute question de sexe.
- Cesser de faire gagner le genre masculin
Ce n’est pas juste une question d’accord. L’historienne Eliane Viennot assure que pour la majorité de ses pairs, « enseigner aux petites filles que le genre masculin l’emporte sur le féminin, c’est leur sous-entendre que les garçons leur sont supérieurs ».
Signalé comme « neutre » par l’Académie française, le genre masculin ne l’est pourtant pas. Il est préférable de parler de « générique ». Alors il faudrait dire : « le générique l’emporte sur le genre féminin » comme l’explique la vidéo ci-dessous de « Merci, Monsieur le professeur ».
Mais pour Eliane Viennot, « il faudrait aller plus loin en abolissant cette règle de grammaire qui est une règle sociale visant à dominer la femme ». A la place, le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, publié par le Haut conseil à l’égalité femmes-hommes en novembre 2014, vous propose d’utiliser les mots dits « épicènes », c’est-à-dire les mots dont la forme ne varie pas entre le masculin et le féminin comme élève, fonctionnaire…
- Parler aux électrices, aux auditrices, …
Dernier débat de la communauté des linguistes : faire apparaître les femmes dans les énoncés. Petit test : allumez la radio et tendez l’oreille, vous entendrez facilement l’animateur dire « Bonjour aux auditeurs ». Cette expression signifierait pour Eliane Viennot qu’ « il n’y a que des hommes derrière le poste ». Faux.
En commission, les linguistes réfléchissent aujourd’hui à incarner les femmes et non plus les dissimuler derrière le genre masculin. « Nous conseillons aujourd’hui à bon nombre d’institutions publiques de s’adresser aux hommes et aux femmes, aux lecteur-trice‑s, aux abonné-e‑s, explique l’historienne, car ce combat sera définitivement gagné lorsque l’Etat cessera de légiférer sur le sujet ».
Reste à savoir maintenant si les Julien Aubert en puissance sont prêts à changer leurs habitudes langagières… masculines !
Crédits photo : We Can Do It! de J.Howard Miller, 1943.